18

 

 

— Matagan, tu as vu Jonayla et Jondalar ? demanda Ayla d’une voix forte lorsqu’elle aperçut le jeune homme qui sortait en claudiquant de l’habitation annexe construite près de la leur.

Deux autres jeunes gens y vivaient aussi maintenant : Jonfilar, qui venait de l’ouest, près des Grandes Eaux, et Garthadal, dont la mère, qui était chef de sa Caverne, était venue avec lui du fin fond du Sud-Ouest parce qu’elle avait entendu parler du talent de Jondalar.

Quatre ans après son arrivée, Matagan était le plus ancien des apprentis de Jondalar et avait acquis une telle compétence qu’il aidait le maître à former les jeunes. Il aurait pu retourner à la Cinquième, ou s’installer dans n’importe quelle autre Caverne comme tailleur de silex qualifié, mais il considérait maintenant la Neuvième comme son foyer et préférait rester travailler avec Jondalar.

— Je les ai vus se diriger vers l’enclos il y a un moment. Hier, il lui avait promis de l’emmener faire une promenade à cheval s’il ne pleuvait pas. Malgré son jeune âge, elle commence à se débrouiller avec Grise, même si elle ne sait pas encore monter seule sur elle ni en descendre.

Ayla sourit en se rappelant le temps où Jondalar tenait Jonayla devant lui sur Rapide, avant même qu’elle sache marcher et, plus tard, quand l’enfant apprenait à se tenir sur Grise, serrant de ses petits bras le cou épais de la jument. La petite fille et la pouliche avaient grandi ensemble, nouant entre elles un lien aussi fort que celui qui unissait Ayla à Whinney. Jonayla savait s’y prendre avec tous leurs chevaux, y compris l’étalon. D’une certaine façon, elle était même meilleure que sa mère puisqu’elle avait appris à le diriger avec le licou et la longe, comme Jondalar. Ayla, elle, continuait à utiliser avec Whinney le langage du corps et maîtrisait moins bien la technique de son compagnon.

— Lorsqu’ils seront revenus, tu pourras prévenir Jondalar que je rentrerai tard ce soir ? Peut-être pas avant demain matin. Tu sais qu’un homme est tombé de la falaise non loin du Gué, aujourd’hui ?

— Oui. Un visiteur, n’est-ce pas ?

— Un voisin du Nouveau Foyer. Il appartenait avant à la Septième, il vit maintenant à la Colline de l’Ours. Je ne comprends pas qu’on tente d’escalader le Rocher Haut alors que la pluie l’a rendu glissant.

Le printemps a été pluvieux, pensa-t-elle. Comme chaque année depuis cet hiver froid annoncé par Marthona.

— Comment va-t-il ? demanda Matagan, qui avait lui-même connu les conséquences d’un manque de jugement.

— Il est gravement blessé. Plusieurs os cassés et je ne sais quoi d’autre. Zelandoni passera toute la nuit auprès de lui, j’en ai peur. Je resterai pour l’aider.

— Avec toi et la Première, il recevra les meilleurs soins possibles, déclara le jeune homme. Je parle d’expérience, ajouta-t-il avec un sourire.

— Je l’espère. Nous avons envoyé un messager prévenir sa famille, elle devrait arriver bientôt. Proleva lui prépare un repas au foyer principal. Je suis sûre qu’il y aura aussi de quoi manger pour vous trois, ainsi que pour Jondalar et Jonayla. Il faut que je me dépêche.

En retournant à l’habitation d’un pas pressé, elle pensa de nouveau à sa fille. Quand elle devait la laisser, parfois Loup restait avec l’enfant, parfois il partait avec elle. Lorsqu’elle se rendait avec Zelandoni à une autre Caverne, Loup l’accompagnait généralement, mais lorsqu’elle devait subir des « épreuves » dans le cadre de sa formation – passer des nuits sans dormir, se priver des Plaisirs, jeûner pendant de longues périodes – elle partait seule.

Elle couchait souvent au petit abri appelé le Creux des Rochers de la Fontaine, qui était assez confortable. Il était situé juste à côté de la Profonde des Rochers de la Fontaine, parfois appelée la Profonde de Doni, la longue grotte qui était le premier lieu sacré qu’elle avait visité quand elle était venue vivre chez les Zelandonii. Les Rochers de la Fontaine se trouvaient à un kilomètre et demi environ de la Neuvième Caverne, sans compter la longue pente douce menant à l’abri. Cette grotte ornée avait d’autres noms, en particulier pour les Zelandonia, qui l’appelaient l’Entrée des Entrailles de la Mère, ou le Ventre Fécond de la Mère. C’était le lieu le plus sacré des environs.

Jondalar n’était pas toujours content quand elle devait s’absenter, mais cela ne le dérangeait jamais de s’occuper de Jonayla, et Ayla était heureuse qu’ils aient noué des liens aussi forts. Il avait même entrepris de lui transmettre la technique de la taille du silex en même temps qu’à ses apprentis.

Ayla fut tirée de ses pensées quand elle remarqua deux femmes qui marchaient dans sa direction, Marona et sa cousine. Wylopa la saluait de la tête et lui souriait chaque fois qu’elle la croisait, et quoique ce sourire lui parût toujours insincère Ayla le lui rendait. Marona se contentait généralement d’un infime hochement de tête et Ayla répondait de même mais, cette fois, Marona lui sourit, ce qui incita Ayla à mieux la regarder. Ce sourire n’avait rien d’aimable, c’était plutôt un rictus triomphant.

Depuis son retour, Ayla se demandait pourquoi Marona était revenue à la Neuvième Caverne. Apparemment, la Cinquième l’avait bien accueillie et on l’avait entendue affirmer qu’elle préférait être là-bas. Moi aussi je préférerais qu’elle soit là-bas, pensa Ayla.

Ce n’était pas uniquement parce que Marona et Jondalar avaient naguère formé un couple mais aussi et surtout parce que nul ne s’était montré plus méchant et plus méprisant que Marona envers elle, à commencer par le mauvais tour des sous-vêtements d’hiver de garçon censé la ridiculiser. Mais Ayla avait tenu tête aux rires et gagné le respect de toute la Caverne. À présent, quand elle montait Whinney, elle portait souvent par choix une tenue semblable, et beaucoup d’autres femmes suivaient son exemple, au grand dépit de Marona. Des jambières et une tunique sans manches en cuir souple étaient tout à fait confortables lorsque le temps était doux.

Ayla avait appris par des parents de Matagan en visite que Marona avait provoqué la colère de femmes d’un haut statut de la Cinquième Caverne, parentes de Kemordan, le chef, ou de sa compagne, pour avoir persuadé un homme promis à l’une d’elles de la quitter pour partir avec elle. Avec ses cheveux d’un blond presque blanc et ses yeux gris sombre, Marona était une femme séduisante, même si, à force de plisser le front, elle commençait à avoir des rides qui se gravaient sur son visage. Comme la plupart de ses autres aventures, cette liaison n’avait pas duré et après avoir exprimé ses regrets et réparé ses torts l’homme avait retrouvé sa place dans la Caverne mais Marona y était maintenant vue d’un œil moins favorable. En approchant de l’habitation de la Première, Ayla repoussa ces réflexions au fond de son esprit pour ne plus songer qu’au blessé.

Plus tard dans la soirée, lorsqu’elle sortit de la demeure de Zelandoni, qui faisait aussi fonction d’hôpital, elle vit Jondalar assis en compagnie de Joharran, Proleva et Marthona. Ils avaient fini de manger et buvaient une tisane en regardant jouer Jonayla et Sethona, la fille de Proleva. Jonayla était une enfant heureuse et en bonne santé, très jolie, au dire de tous, avec des cheveux blonds fins et bouclés, des yeux du même bleu extraordinaire que ceux de Jondalar. Pour Ayla, elle était la plus belle au monde mais, ayant grandi dans le Clan, elle rechignait à exprimer un tel jugement sur sa propre enfant. Cela pouvait porter malheur.

Sethona, cousine proche de Jonayla, née quelques jours seulement après elle, avait des yeux gris et des cheveux châtain clair. Ayla trouvait qu’elle ressemblait à Marthona car elle avait déjà un peu de la dignité et de la grâce de l’ancien chef, ainsi que son regard franc. Avec ses cheveux plus gris, son visage plus ridé, la mère de Jondalar paraissait maintenant son âge, mais ce vieillissement n’était pas seulement affaire d’apparence physique. Marthona n’allait pas bien et cela inquiétait Ayla. La Première et elle avaient discuté de son état, ainsi que de tous les remèdes et traitements qu’elles avaient pu trouver pour la soigner, mais elles savaient toutes deux qu’elles ne pourraient empêcher Marthona de passer dans le Monde d’Après et ne pouvaient qu’espérer retarder ce moment.

Après avoir perdu sa vraie mère, Ayla avait eu la chance d’en trouver une autre en la personne d’Iza, guérisseuse du Clan qui l’avait élevée comme sa fille, avec Creb le Mog-ur comme homme de son foyer. Nezzie des Mamutoï avait ensuite voulu l’adopter au Camp du Lion, mais c’était le Mamut du Foyer du Mammouth qui l’avait finalement fait. La mère de Jondalar avait dès le début traité Ayla comme sa fille, et celle-ci la considérait comme sa mère, sa mère zelandonii. Elle se sentait aussi très proche de la Première, qui était cependant plus pour elle une amie et un maître.

La tête posée sur ses pattes de devant, Loup observait les fillettes. Il avait remarqué qu’Ayla s’approchait mais comme elle ne le rejoignait pas immédiatement, il se redressa pour la regarder et tous les autres se tournèrent aussi dans cette direction. Ayla prit alors conscience que ses pensées l’absorbaient tellement qu’elle s’était arrêtée. Elle se remit à marcher.

— Comment va-t-il ? demanda Joharran lorsqu’elle fut plus près.

— On ne peut toujours rien dire. Nous avons mis des attelles aux os brisés de ses jambes et de son bras mais nous ne savons pas s’il a autre chose de cassé à l’intérieur. Il respire encore, sans avoir repris connaissance. Sa compagne et sa mère sont auprès de lui, maintenant. Zelandoni est restée avec elles. Je pense que si quelqu’un lui apportait à manger, cela pourrait inciter la compagne et la mère à nous rejoindre pour manger, elles aussi.

— Je vais essayer de les persuader de venir, dit Proleva en se levant.

Elle alla prendre parmi les assiettes réservées aux visiteurs une plaque d’ivoire détachée d’une défense de mammouth et polie avec du grès, y posa quelques tranches d’un jeune chamois rôti à la broche. C’était un mets rare et délicieux. Des membres de la Neuvième et de Cavernes voisines partis à la chasse au bouquetin avaient eu de la chance. Elle ajouta des tiges de chardon printanières légèrement cuites et des racines, s’approcha de l’habitation de la doniate et gratta au panneau de cuir jouxtant le rideau de l’entrée. L’instant d’après, elle y pénétra. Un moment plus tard, elle ressortit avec la compagne et la mère du blessé, les conduisit au foyer principal et leur donna des assiettes de visiteurs.

— Il faut que j’y retourne, dit Ayla à Jondalar. Matagan t’a prévenu que je rentrerais probablement tard ?

— Oui. Je coucherai Jonayla.

Il souleva la fillette d’un bras et, de l’autre, serra sa compagne contre lui.

— J’ai monté Grise aujourd’hui, raconta l’enfant. Jondi m’a emmenée, il a monté Rapide. Whinney était là aussi mais elle n’avait personne sur elle, pourquoi tu n’es pas venue, maman ?

— J’aurais bien voulu, Bébé, répondit Ayla.

Le surnom affectueux de sa fille était semblable au mot « bébé » donné au lionceau blessé qu’Ayla avait recueilli, soigné et élevé. C’était une déformation du terme clan pour « nouveau-né » ou « petit ».

— Mais un homme s’est blessé en tombant aujourd’hui. Zelandoni le soigne et j’essaie de l’aider.

— Quand il sera guéri, tu viendras ?

— Oui, quand il sera guéri, j’irai faire des promenades à cheval avec vous, promit-elle.

S’il guérit, pensa-t-elle.

Elle se tourna vers Jondalar.

— Emmène Loup aussi, s’il te plaît.

Elle avait remarqué que la compagne du blessé regardait l’animal avec crainte. Elle semblait aussi se méfier d’Ayla, surtout après l’avoir entendue prononcer le surnom de son enfant. Même modifié, il avait une consonance étrange.

Après le départ de son compagnon avec Jonayla et Loup, Ayla retourna auprès du blessé, Jacharal.

— Son état s’est amélioré ? s’enquit-elle.

— Rien ne l’indique, répondit Celle Qui Était la Première, satisfaite de pouvoir parler franchement maintenant que les deux femmes étaient parties. Quelquefois, les blessés demeurent longtemps ainsi. Si on parvient à leur faire avaler de l’eau et de la nourriture, ils tiennent ; sinon, ils passent en quelques jours. C’est comme si l’esprit était perdu, comme si l’elan n’était pas sûr de vouloir quitter ce monde alors que le corps respire encore. Parfois, ils se réveillent mais sont incapables de bouger, ou une partie de leur corps ne ressent plus rien ou ne guérit pas bien. Il arrive qu’avec le temps certains se remettent d’une pareille chute, mais c’est rare.

— A-t-il perdu du liquide par le nez ou les oreilles ?

— Pas depuis qu’on l’a amené chez moi. La plaie à la tête semble superficielle, mais il a de nombreux os du corps brisés et je crois que les blessures vraiment graves sont à l’intérieur. Je le veillerai cette nuit.

— Je resterai avec toi. Jondalar a emmené Jonayla, et Loup aussi. Je crois qu’il effrayait la compagne de Jacharal.

— Elle n’a pas eu le temps de s’habituer à ton animal. Elle n’est pas d’ici, elle s’appelle Amelana. La mère de Jacharal m’a raconté leur histoire. Il est parti faire un Voyage dans le Sud, il s’est uni à cette femme là-bas et l’a ramenée. Je ne suis même pas sûre qu’elle soit née sur le territoire zelandonii. Les limites n’en sont pas toujours claires. Elle parle assez bien la langue mais avec un accent du Sud, un peu comme Beladora, la compagne de Kimeran.

— C’est triste d’avoir fait tant de chemin pour perdre peut-être son compagnon. Je ne sais pas ce que j’aurais fait si j’avais perdu Jondalar juste après mon arrivée ici, dit Ayla, frissonnant à cette pensée.

— Tu serais restée pour devenir une doniate, exactement comme maintenant. Tu l’as dit toi-même : tu n’as pas vraiment un endroit où retourner. Tu ne referais pas seule tout ce chemin pour rejoindre les Mamutoï, qui pourtant t’avaient adoptée. Ici, tu es plus qu’adoptée. Tu es chez toi. Tu es une Zelandonii.

Ayla fut surprise par la ferveur des propos de la Première, et plus encore gratifiée. Elle se sentit appréciée.

 

 

Ce ne fut pas le lendemain matin mais le jour d’après qu’Ayla rentra, finalement. Le soleil se levait et elle s’arrêta un instant pour regarder le rougeoiement, plus vif à un endroit, commencer à saturer le ciel de l’autre côté de la Rivière. La pluie avait cessé mais des nuages s’effilochaient en brillantes traînées rouge et or bas sur l’horizon. Lorsque la première lueur s’éleva au-dessus des falaises, Ayla s’abrita les yeux de la main pour repérer les formations rocheuses proches afin de comparer le point d’émergence de la lumière avec celui de la veille.

Bientôt il lui incomberait de noter les levers et couchers de la lune et du soleil pendant une année. Le plus difficile, l’avaient prévenue d’autres membres de la Zelandonia, c’était le manque de sommeil, en particulier quand on observait la lune, qui apparaissait ou disparaissait parfois dans la journée, parfois en pleine nuit. Le soleil, bien sûr, se levait toujours le matin et se couchait le soir, mais certains jours étaient plus longs que d’autres et le point d’émergence se déplaçait à l’horizon de manière prévisible. Pendant la moitié de l’année où les jours rallongeaient, il remontait légèrement vers le nord chaque jour puis il restait fixe quelques jours au milieu de l’été : c’était la période du Long Jour d’Été. Il changeait ensuite de direction, descendant un peu au sud chaque jour tandis que les jours raccourcissaient, passait par la période où les jours et les nuits avaient la même durée, où le soleil se couchait quasiment plein ouest, jusqu’à devenir de nouveau fixe au cœur de l’hiver pour la période du Court Jour d’Hiver.

La future doniate avait parlé à la mère de Jacharal et à Amelana et avait mieux fait connaissance avec la jeune femme. Ayla et elle avaient au moins un point commun : elles étaient toutes deux étrangères et s’étaient unies à des Zelandonii. Amelana était très jeune et, Ayla avait pu le constater, un peu imprévisible et capricieuse. Enceinte, elle avait encore des nausées matinales. Ayla aurait sincèrement voulu pouvoir faire plus pour Jacharal, à la fois pour lui et pour Amelana et son enfant à venir.

La Première et son acolyte avaient observé attentivement le blessé, à la fois pour lui et pour elles-mêmes. Elles voulaient suivre l’évolution de son état pour en savoir plus sur des blessures comme les siennes. Elles avaient réussi à le faire boire mais ce n’était qu’un acte réflexe qui le faisait avaler, et parfois s’étouffer, lorsqu’elles versaient de l’eau dans sa bouche. Leurs efforts ne lui avaient pas fait reprendre conscience. La Première mettait aussi une partie de ces longues veilles à profit pour élargir les connaissances d’Ayla sur les pratiques de la Zelandonia. Elles discutèrent de remèdes et de traitements, célébrèrent plusieurs cérémonies pour invoquer l’aide de la Grande Terre Mère. Pour le moment, elles n’impliquaient pas encore toute la communauté dans ces rites de guérison qui pouvaient prendre une forme plus complexe.

Elles abordèrent aussi la question d’un Voyage que l’aînée des deux femmes souhaitait faire avec son acolyte, un long voyage qui durerait tout l’été et qu’elle voulait entreprendre au plus tôt. Il y avait dans l’Est et dans le Sud plusieurs Lieux Sacrés que la Première désirait lui montrer. Elles ne partiraient pas seules ; non seulement Jondalar mais aussi Willamar, le Maître du Troc, et ses deux jeunes apprentis les accompagneraient. Lorsqu’elles envisagèrent d’emmener encore quelqu’un d’autre, le nom de Jonokol surgit dans la discussion. La perspective de voyager aussi loin était exaltante, mais Ayla savait que ce serait difficile. Heureusement, il y avait les chevaux, qui rendraient le parcours moins pénible pour elle et pour la Première. De plus, Zelandoni aimait apparaître sur le travois tiré par Whinney. Cela faisait toujours sensation et elle ne perdait pas une occasion d’attirer l’attention sur la Zelandonia et l’importance de la fonction de Première.

Lorsque Ayla arriva chez elle, elle songea à préparer une tisane matinale pour Jondalar mais elle était épuisée. Cette nuit-là, elle avait très peu dormi pour permettre à Zelandoni de prendre sa part de sommeil. Au matin, la doniate l’avait envoyée chez elle se reposer. Il était encore si tôt que tout le monde dormait, excepté Loup, qui attendait dehors pour l’accueillir. Elle sourit en le découvrant. C’était étonnant qu’il parût toujours savoir quand elle arrivait et où elle allait.

En entrant, Ayla remarqua que Jonayla était étendue à côté de Jondalar. La fillette avait sa propre petite fourrure de couchage près de la leur, mais quand sa mère n’était pas là, ce qui arrivait désormais plus souvent, elle se glissait sous la grande fourrure avec lui. Ayla commença à soulever sa fille pour la remettre sur sa fourrure puis changea d’avis et décida de la laisser continuer à dormir sans la perturber. Elle ajouta une fourrure à celle de Jonayla et s’étendit dessus. Lorsque Jondalar se réveilla et découvrit sa compagne dormant sur la fourrure de Jonayla, il sourit mais fronça aussitôt les sourcils en songeant qu’elle devait être exténuée.

Jacharal mourut quelques jours plus tard, sans avoir repris connaissance. Ayla utilisa le travois pour ramener son corps à la Septième Caverne. Sa mère tenait à ce qu’il soit enterré là-bas afin que son elan soit dans un endroit familier pour chercher son chemin vers le Monde d’Après. Ayla, Jondalar, la Première et quelques autres membres de la Neuvième et de Cavernes voisines, ainsi que tous ceux de la Colline de l’Ours, assistèrent à la cérémonie à l’issue de laquelle Amelana demanda à parler à la doniate et à son acolyte.

— Quelqu’un m’a dit que vous partez bientôt pour le sud. C’est vrai ?

— Oui, répondit Zelandoni, qui croyait deviner les intentions de la jeune femme et se demandait comment y faire face.

— Vous accepteriez de m’emmener ? Je veux retourner chez moi, dit Amelana, les larmes aux yeux.

— Mais tu es chez toi, non ? objecta la Première.

— Je ne veux pas rester ici ! Je ne savais pas que Jacharal voulait s’installer au Nouveau Foyer et vivre à la Colline de l’Ours. Ça ne me plaît pas, ici. Il n’y a rien. Tout est à faire ou à construire, même notre habitation, et elle n’est pas encore terminée. Il n’y a pas de doniate. Je suis enceinte et je serais obligée d’aller dans une autre Caverne pour avoir mon bébé. Maintenant, je n’ai même plus Jacharal. Je lui avais dit de ne pas grimper sur ce rocher…

— As-tu parlé à sa mère ? Je suis sûre que tu pourrais rester à la Septième Caverne.

— Je ne veux pas rester à la Septième Caverne. Je ne connais pas les gens, et certains n’ont pas été gentils avec moi parce que je viens du sud. Je suis une Zelandonii, après tout.

— Et si tu t’installais à la Deuxième ? suggéra la Première. Beladora est du sud, elle aussi.

— Elle vient du sud mais plus à l’est et elle est la compagne d’un Homme Qui Commande. Je ne la connais pas vraiment. Et je veux juste rentrer chez moi. Je veux avoir mon enfant là-bas. Ma mère me manque…

Amelana éclata en sanglots.

— Tu en es à combien ?

— Mes saignements ont cessé il y a plus de trois mois, répondit-elle en reniflant.

La Première prit sa décision :

— Si tu es sûre de vouloir partir, nous t’emmènerons.

La jeune femme sourit à travers ses larmes.

— Merci ! Oh, merci !

— Où se trouve ta Caverne ?

— Dans les montagnes, un peu à l’est, près de la Mer Méridionale.

— Nous n’irons pas là-bas directement, nous nous arrêterons en chemin, prévint la Première.

— Ça ne me dérange pas, répondit Amelana.

D’un ton hésitant, elle poursuivit :

— Mais j’aimerais être là-bas avant d’avoir le bébé.

— Je crois qu’on peut arranger ça, déclara la Première.

Après le départ de la jeune femme, la doniate marmonna :

— Un bel étranger arrive dans sa Caverne et elle trouve si merveilleux de partir avec lui pour fonder un foyer ailleurs… Je suis sûre qu’elle a supplié sa mère autant que moi de la laisser s’unir à Jacharal et aller vivre au loin avec lui… Mais une fois arrivée, elle s’aperçoit que là-bas, ce n’est pas très différent, sauf qu’elle ne connaît personne. Et son compagnon si séduisant décide de se joindre à un groupe de jeunes résolus à fonder une nouvelle Caverne. Tous s’attendent qu’elle soit aussi enthousiasmée qu’eux par le projet mais ils s’installent simplement de l’autre côté de la colline par rapport à leur ancienne Caverne et ils se connaissent.

« Amelana est une étrangère, qui parle d’une manière un peu différente, et qui a probablement l’habitude d’être dorlotée. Elle se retrouve dans un endroit nouveau dont elle ne connaît pas les coutumes, avec des gens dont elle ne partage pas les espérances. Elle n’a pas envie de fonder un nouveau foyer, elle vient de quitter le sien. Elle a besoin de s’établir, d’apprendre à connaître son nouveau peuple. Mais son compagnon – qui a déjà montré son goût du risque en entreprenant un Voyage – est prêt pour l’aventure d’une nouvelle Caverne qu’il va créer avec ses amis et parents, pas avec ceux d’Amelana.

« Ils commencent à regretter leur union précipitée, ils se disputent au sujet de leurs différences, ressenties ou réelles, puis elle tombe enceinte, sans personne pour être aux petits soins pour elle. Sa mère et ses tantes, ses sœurs, ses cousines et ses amies sont toutes restées à la Caverne qu’elle a quittée. Et le compagnon aimant le danger prend un risque de trop qui lui coûte la vie. Il vaut probablement mieux pour tout le monde qu’elle rentre chez elle, un peu mûrie par toute cette histoire. Il n’y a personne ici avec qui elle ait des attaches.

— Je n’avais personne non plus quand je suis arrivée, rappela Ayla.

— Si. Tu avais Jondalar.

— Tu dis que son compagnon avait déjà montré sa témérité en faisant un Voyage. J’ai connu Jondalar pendant le sien. Est-ce que cela faisait de lui un homme qui aimait le risque ?

— Ce n’était pas lui qui aimait le risque, c’était son frère. Jondalar est parti pour accompagner Thonolan, pour le protéger, parce qu’il connaissait sa tendance à se fourrer dans des situations périlleuses. Et Jondalar n’avait personne ici pour le retenir. Marona n’avait rien à lui offrir, hormis un partage occasionnel des Plaisirs. Il aimait son frère plus que cette femme et voulait peut-être échapper à la promesse tacite d’union qu’elle espérait bien plus que lui mais il était incapable de le lui déclarer franchement. Il cherchait encore le grand amour. Un moment, il a cru l’avoir trouvé avec moi et je reconnais que j’ai été tentée, mais je savais que cela ne marcherait jamais. Je suis heureuse qu’il ait trouvé ce qu’il cherchait avec toi. Tu vois, ta situation, bien qu’apparemment similaire, n’est pas du tout la même que celle d’Amelana.

Ayla songea que la doniate était d’une grande sagesse et se demanda combien partiraient finalement pour ce Voyage dans le Sud qu’elle avait proposé.

La Première, Jondalar, elle-même et Jonayla, bien sûr, récapitula-t-elle en prononçant à mi-voix les mots à compter et en touchant sa cuisse de ses doigts pour chaque personne. Cela fait quatre. Willamar et ses deux assistants, sept. Il a dit qu’il voulait leur faire partager totalement son expérience. Il a dit aussi que ce serait probablement sa dernière longue expédition, qu’il était las de voyager. Il l’est sans doute, pensa Ayla, mais c’est peut-être aussi en partie parce qu’il sait que Marthona ne va pas bien et qu’il veut passer plus de temps avec elle.

Avec Amelana, cela fait huit. Et neuf si Jonokol vient aussi, huit adultes et un enfant.

Ayla avait le pressentiment qu’il y en aurait d’autres. Comme pour lui en donner confirmation, Kimeran et Beladora arrivèrent avec leurs jumeaux de cinq ans pour parler à la Première. Ils voulaient eux aussi aller dans le Sud, faire connaître à leurs enfants la famille de leur mère. Beladora était sûre que la Première ne verrait pas d’inconvénient à visiter sa Caverne, proche de l’un des plus beaux Lieux Sacrés de la région, et l’un des plus anciens. Ils ne voulaient cependant pas suivre l’itinéraire prévu par la doniate mais rejoindre le groupe en chemin.

— À quel endroit ? demanda Zelandoni.

— Peut-être à la Caverne de la sœur de Kimeran, proposa Beladora. Enfin, elle n’est pas vraiment sa sœur, mais il la considère comme telle.

Ayla sourit à la magnifique brune aux cheveux ondulés qui parlait également avec un accent mais pas aussi inhabituel que le sien. Elle se sentait proche de cette étrangère qui s’était unie à un Zelandonii et l’avait suivi. Ayla connaissait l’histoire de Kimeran et de sa sœur beaucoup plus âgée, qui s’était occupée de lui en plus de ses propres enfants après la mort de leur mère. Son compagnon aussi était mort jeune et elle était devenue Zelandoni après avoir élevé ses enfants et son frère.

— Jondalar, tu devras escalader des hauteurs entre ici et l’ancienne Caverne de Beladora si tu essaies d’y aller directement, l’avertit Kimeran. Excellentes pour la chasse au bouquetin ou au chamois mais difficiles à franchir, même en suivant les rivières. Nous avons plutôt l’intention de les contourner, ce sera moins dur pour Gioneran et Ginedela… et pour nous, quand nous devrons les porter. Ils ont encore de petites jambes.

Il sourit et ajouta :

— Pas comme nous, Jondalar.

Une chaude amitié unissait les deux hommes.

— Vous projetez de voyager seuls ? demanda la Première. Ce n’est pas très prudent si vous emmenez les enfants.

— Nous avons pensé à proposer à Jondecam, à Levela et à son fils de nous accompagner mais nous voulions d’abord avoir ton avis, Zelandoni, dit Beladora.

— Je crois qu’ils feraient de bons compagnons de voyage, jugea la Première. Oui, nous pourrions nous retrouver en chemin.

Ayla se remit à tapoter le côté de sa jambe.

Seize en tout, si Jonokol vient, calcula-t-elle. Mais Amelana ne sera avec nous qu’à l’aller et Kimeran et les autres ne nous rejoindront que plus tard.

— Est-ce que nous prendrons part à la Réunion d’Été ? voulut savoir Jondalar.

— Quelques jours seulement, je pense, répondit la Première. Je demanderai aux Zelandonia de la Quatorzième et de la Cinquième de me remplacer. À deux, ils s’en tireront parfaitement, j’en suis certaine, et je suis curieuse de voir comment ils coopéreront. J’enverrai un messager à Jonokol pour savoir s’il souhaite se joindre à nous et s’il le peut. Il a peut-être d’autres projets, il est le Zelandoni de la Dix-Neuvième Caverne, maintenant. Je ne peux plus décider de ce qu’il doit faire… si tant est que j’aie jamais eu ce pouvoir, même quand il était mon acolyte.

 

 

La matinée était ensoleillée le jour où la Neuvième Caverne partit pour la Réunion d’Été. Il avait plu par intermittence pendant quelques jours mais ce matin-là les nuages avaient disparu et le ciel avait un éclat cristallin qui donnait aux hauteurs lointaines une grande netteté. Ils prirent la direction du sud-ouest et comme l’endroit où se tenait la Réunion d’Été cette année-là était plus éloigné, ils mirent plus de temps que d’habitude pour s’y rendre.

À leur arrivée, Ayla remarqua la présence de membres de Cavernes de l’Ouest qu’elle ne connaissait pas. Ils fixaient avec plus d’étonnement que les autres cette femme accompagnée d’un loup et de trois chevaux, dont un tirait un travois sur lequel la Première était assise. Les participants furent déçus en apprenant que la Première et son acolyte aux étranges compagnons ne feraient que passer. Ayla aurait aimé rester et faire la connaissance des Zelandonii qu’elle n’avait pas encore rencontrés, mais elle était aussi impatiente d’entamer le Voyage d’Été prévu par la Première.

Jonokol décida finalement de se joindre au groupe. Il n’avait pas fait un Périple de Doniate très long parce que, au début, il ne projetait pas vraiment de devenir Zelandoni à part entière et que la Première ne l’y poussait pas. Après avoir découvert les magnifiques murs blancs de la nouvelle grotte sacrée et pris au sérieux son entrée dans la Zelandonia, il était parti pour la Dix-Neuvième Caverne, la plus proche de la Grotte Blanche. La Zelandoni de cette Caverne était trop vieille et trop faible pour faire de longs voyages, même si elle avait gardé un esprit parfaitement lucide jusqu’à la fin. Depuis, il avait entendu parler des merveilleuses grottes ornées du Sud et ne voulait pas manquer cette occasion de les admirer. Il n’en aurait peut-être plus jamais la possibilité.

Ayla fut heureuse de la décision de Jonokol. Il s’était montré accueillant dès le début et il était d’une compagnie agréable. Ils ne restèrent que quatre jours à la Réunion mais, lorsqu’ils partirent, presque tout le monde vint assister à leur départ. Le groupe de voyageurs, aussi nombreux à présent qu’une petite Caverne, constituait un spectacle étonnant, en premier lieu à cause des animaux, mais il s’était encore grossi de plusieurs membres des Cavernes de l’Ouest, ainsi que des Cavernes voisines, en particulier la Onzième, avec notamment Kareja, la femme qui était leur chef.

La Première décida de descendre vers le sud en longeant la Rivière jusqu’à son confluent avec la Grande Rivière. Ils devraient ensuite traverser ce cours d’eau qui, comme son nom l’indiquait, était plus large et plus profond que la Rivière. On pouvait franchir celle-ci au Gué, en posant le pied sur les pierres qui en parsemaient le lit, ou en pataugeant, parfois avec de l’eau jusqu’à la taille, selon la saison, mais la traversée de la Grande Rivière serait plus ardue. Pour résoudre ce problème, la Première et Willamar s’étaient adressés à Kareja et à quelques autres membres de la Onzième Caverne, réputée pour les radeaux qu’elle fabriquait, afin qu’ils transportent les voyageurs et leurs affaires jusqu’au confluent puis de l’autre côté de la Grande Rivière.

Le groupe commença par reprendre la direction de la Neuvième. Composé uniquement d’adultes – à l’exception de Jonayla – il progressait bien plus vite qu’une Caverne complète. La plupart des voyageurs étaient jeunes, en bonne santé, et si la Première avait une corpulence qui lui donnait une présence imposante, elle était également vigoureuse et marchait le plus souvent. Quand elle se sentait fatiguée et incapable de suivre, elle s’installait sur le travois, ce qui ne diminuait en rien son autorité ni la dignité de son maintien, parce qu’elle était la seule à voyager assise sur un siège tiré par un animal.

Ce soir-là, lorsqu’ils établirent leur camp pour la nuit, la Première et le Maître du Troc entamèrent une discussion avec Kareja, le chef de la Onzième Caverne, et quelques autres capables d’estimer combien de radeaux et de personnes il faudrait pour transporter le groupe pendant l’étape suivante du Voyage. Il fallut ensuite régler les détails des biens et services qui seraient échangés contre l’utilisation des radeaux. La négociation était publique et les Zelandonii qui connaissaient peu les Neuvième et Onzième Cavernes la suivirent avec grand intérêt. Deux ou trois d’entre eux se demandèrent même si l’on pouvait pousser vers l’ouest en radeau jusqu’aux Grandes Eaux. C’était bien entendu possible, du moins à la bonne saison, mais le retour poserait problème.

Pendant le marchandage, Kareja demanda à Jondalar un service contre le voyage en radeau. Assis à côté de la Première, le compagnon d’Ayla regretta l’absence de Joharran.

— Je ne pense pas avoir le droit de prendre un tel engagement pour ma Caverne, répondit-il. Je n’en suis pas l’Homme Qui Commande. Peut-être que Willamar ou Zelandoni le peuvent.

— Mais tu peux t’engager pour toi-même puisque ce service te concerne, argua-t-elle. Une jeune fille que je connais a montré de grandes dispositions pour travailler le silex. Si tu acceptais de la prendre comme apprentie, nous aurions un accord.

Zelandoni regarda Jondalar en se demandant comment il allait réagir. On lui faisait souvent cette requête de former un jeune, mais il était très sélectif. Il avait déjà trois apprentis et il ne pouvait pas accepter tous ceux qu’on lui proposait. C’était toutefois le Périple de Doniate de sa compagne, il n’aurait pas été déplacé qu’il contribue à le rendre plus facile.

— Une fille ? Je doute qu’une femme puisse faire un bon tailleur de silex, souligna un membre d’une des Cavernes de l’Ouest parti avec eux de la Réunion d’Été. J’ai un peu d’expérience de ce travail, il faut de la force et de la précision pour faire de bons outils. Nous connaissons tous la réputation de Jondalar, pourquoi perdrait-il son temps à tenter de former une fille ?

Ayla n’était pas du tout d’accord avec cet homme. D’après son expérience, les femmes étaient tout aussi capables de tailler le silex que les hommes, mais si Jondalar prenait une apprentie, où logerait-elle ? Elle ne pourrait pas dormir avec les trois jeunes hommes, surtout quand elle aurait son saignement mensuel. Même si les Zelandonii n’étaient pas aussi stricts à ce sujet que le Clan, où une femme ne pouvait pas même regarder un homme pendant cette période, il faudrait à cette jeune fille une certaine intimité. Ce qui signifiait qu’elle devrait vivre dans leur habitation, ou qu’il faudrait trouver un autre arrangement.

Jondalar suivait sans doute la même ligne de pensée puisqu’il répondit :

— Je ne suis pas sûr que nous puissions prendre une jeune femme, Kareja…

— Insinues-tu qu’une femme ne peut apprendre à tailler le silex ? répliqua-t-elle. Les femmes font des outils tout le temps. Elles ne se précipitent pas vers un tailleur de silex chaque fois qu’un outil se brise alors qu’elles raclent une peau ou dépècent une bête. Elles le réparent ou en refont un autre.

Kareja gardait son calme mais la Première savait qu’elle faisait des efforts pour se maîtriser. Elle avait envie de dire à l’homme de la Caverne de l’Ouest qu’il tenait des propos absurdes et à Jondalar qu’il avait tort de les approuver. La Première observait l’échange avec intérêt.

— Oh, je sais qu’une femme peut faire des outils pour son propre usage, reprit l’homme. Un racloir, un couteau, mais une arme ? Les pointes de sagaie doivent être parfaites, sinon le gibier s’échappe. Je ne blâme pas le tailleur de silex de ne pas vouloir prendre une femme comme apprentie.

Cette fois, Kareja explosa :

— Jondalar ! Il a raison ? Tu penses qu’une femme ne peut pas apprendre aussi bien que n’importe quel homme à tailler le silex ?

— Cela n’a rien à voir, répondit-il. Bien sûr que les femmes le peuvent. Lorsque je vivais avec Dalanar et que j’étais son apprenti, il formait en même temps ma cousine proche, Joplaya. C’était à qui serait le meilleur. Quand j’étais jeune, je ne l’aurais jamais reconnu, mais je n’hésite pas à déclarer maintenant que sur certains aspects elle me surpasse. Seulement, je ne sais pas où cette jeune femme dormirait. Je ne peux pas la mettre avec les trois garçons. Nous pourrions la prendre chez nous, mais elle aurait besoin de place pour ranger ses outils et les éclats de silex sont tranchants. Ayla est très contrariée si elle en trouve un accroché à mes vêtements quand je rentre. Elle s’inquiète pour Jonayla et je la comprends. Si j’acceptais ta demande, nous devrions construire une annexe au logement des apprentis, ou une habitation séparée.

Kareja retrouva immédiatement son calme. L’argument de l’intimité nécessaire à la jeune fille de la Onzième Caverne était tout à fait sensé. Elle aurait dû savoir qu’avec pour compagne Ayla, une femme qui était bonne à la chasse en plus d’être acolyte de la Première, Jondalar ne pouvait pas partager le point de vue ridicule de l’homme de l’Ouest. De plus, la mère de Jondalar avait été chef. Mais il a soulevé un vrai problème, songea la grande femme mince.

— Une habitation séparée serait préférable, convint-elle. La Onzième aidera à la construire, et si tu me dis où tu la veux nous pourrions le faire pendant votre Voyage…

— Attends un peu ! s’exclama Jondalar, sidéré par la rapidité avec laquelle Kareja avait pris les choses en main.

La Première retint un sourire et coula un regard à Ayla, qui semblait amusée, elle aussi.

— Je n’ai pas dit que je la prenais, poursuivit Jondalar. Je demande toujours à ceux qui veulent être mes apprentis de faire un essai. Je ne sais même pas qui est cette fille.

— Tu la connais, c’est Norava, répondit Kareja. Je vous ai vus travailler ensemble, l’été dernier.

Jondalar se détendit et sourit.

— Oui, je la connais, et je crois qu’elle ferait une excellente apprentie. Lorsque nous chassions l’aurochs, l’année dernière, elle avait cassé deux pointes de sagaie et elle était en train de les retailler quand je suis passé près d’elle. Je me suis arrêté pour la regarder faire, elle m’a demandé mon aide. Je lui ai montré une ou deux choses et elle a tout de suite compris. Elle apprend vite, elle a de bonnes mains. Oui, si vous lui construisez un logement, je prendrai Norava comme apprentie.

Le Pays Des Grottes Sacrées
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